Josh, mon ami.
Une fin d’après-midi
d’août 1979 (c’était mon premier voyage aux US), Josh, (un ami de Keitha)
m’attendait à Penn Station (ou à Gran Central je ne sais plus). Keitha m’avait
dit : il est facile à reconnaître : chauve avec des lunettes, tu ne
peux pas le rater. Quant à moi, je portais une robe jaune et un sac de voyage
orange, j’étais visible de loin. A deux cents mètres de la gare (on voyait les
lumières du quai), le train s’immobilisa, les lumières s’éteignirent. Nous
restâmes ainsi bloqués pendant deux bonnes heures. En descendant du train, je
pensais que Josh aurait perdu patience et serait parti. Hé bien non, le chauve
à lunettes m’attendait sur le quai. Nous nous rendîmes à Carmine Street où il
faisait une chaleur d’étuve et, une fois mon sac posé, Josh regarda sa
montre : c’était l’heure de dîner. « Vous êtes à NY, au centre de
toutes les cuisines du monde. Que voulez-vous manger ? » « Je
veux manger Américain ». Il parut déçu, perplexe même, demeura silencieux
un moment et brusquement, son visage s’illumina : il savait où nous allions
dîner ! Nous atterrîmes ce soir là dans un restaurant de soul food :
spare ribs, haricots noirs, délicieux !
La conversation cependant laissait à désirer, mon anglais scolaire
manquait de vocabulaire, mais Josh, sans jamais me venir en aide, attendait
patiemment que je trouve mes mots. C’était épuisant. Le lendemain, il m’emmena
dans le bar que fréquentait jadis Dylan Thomas. Nous découvrîmes alors les
vertus du bloody mary sur ma pratique de l’anglais. Josh quant à lui, découvrit
ce jour là qu’il pouvait parfaitement se
faire comprendre en parlant anglais avec l’accent français. C’était
hilarant ! La communication était établie.
Elle ne devait jamais
s’interrompre. J’appris l’anglais grâce à Josh (pas assez cependant pour
l’écrire correctement), mais lui n’apprit jamais le français. Qu’importe !
Nous pouvions rire, plaisanter, jouer avec les mots et les idées, aller au
cinéma, voyager.
Josh était l’être le
plus généreux que je connaisse : généreux de son temps, de son écoute, de
son savoir, de son argent. Il m’a invitée dans les plus grands restaurants new
yorkais et parisiens, nous avons cuisiné ensemble des plats exquis, jusqu’à la
recette des cailles en sarcophage du Festin de Babette, le film de Gabriel Axel
que nous avions aimé. Josh était l’unique scientifique que je connaissais dont
la bibliothèque ne comptait que des romans. Un ami écrivain à qui je commentais
la chose me dit : c’est donc un homme qui est passionné par la réalité.
Oui, Josh était bien passionné par la réalité des êtres, des choses, de la
nature, du monde, de la vie.
Il ne comprendrait
pas un traitre mot de ce que je viens d’écrire, mais il comprenait si bien le
langage du cœur que je ne m’inquiète pas outre mesure.
Ami, c’est certain,
nous nous retrouverons un jour.
En attendant, tous
tes amis sont mes amis.
Je t’embrasse. A
bientôt.
Paule Darmon
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